La photo qui a immortalisé la dernière réunion entre le Premier Ministre d’Israël, Benjamin Netanyahu, et l’équipe de Trump en charge du Moyen-Orient était très révélatrice : des cinq personnes sur la photo quatre étaient des Juifs Américains.
Tous les cinq ont vécu aux Etats-Unis pendant des décennies ou toute leur vie. Tous les cinq sont des sionistes engagés à l’extrême-droite. Tous les cinq ont soutenu, politiquement et financièrement, les colonies israéliennes dans les territoires occupés ; tous les cinq s’opposent à la solution à deux états ; tous les cinq s’opposent à l’égalité entre Israéliens and Palestiniens ; et tous les cinq s’identifient aux secteurs les plus récalcitrants du Parti Républicain.
Comment résolvent-ils la quadrature du cercle en rejetant l’égalité entre tous ceux qui vivent sous le contrôle d’Israël, tout en rejetant dans le même temps la solution à deux états dans les frontières de 1967 ?
La réponse est simple : tous les cinq partagent aussi le but d’enterrer la cause palestinienne, de détruire le rêve palestinien et d’anéantir les droits des Palestiniens.
Ce sont les personnes qui se sont réunies pour soi-disant débattre de l’« accord final » pour Israël et la Palestine.
Le gouvernement d’Israël, représenté par le Premier Ministre Netanyahu et l’ambassadeur d’Israël aux Etats-Unis, Ron Dermer, a mis en avant un plan détaillé pour réduire en poussière les droits politiques du peuple palestinien. L’équipe de Trump, représentée par ses trois mousquetaires - Jared Kushner, Jason Greenblatt et David Friedman - appuie les désirs de la partie israélienne en ignorant totalement les droits politiques du peuple palestinien.
Ils disent aux Palestiniens que, alors que leurs droits politiques et humains continuent d’être violés, ils pourraient avoir une « vie meilleure » en acceptant les incitations économiques. Mr. Kushner, dans son interview récente au journal Al Quds, a déclaré : « S’il y avait la paix, la prospérité d’Israël s’étendrait très rapidement aux Palestiniens. »
Permettez-moi de traduire ceci dans les termes des cinq qui se sont rencontrés la semaine dernière : si les Palestiniens acceptent de vivre sous contrôle israélien, sans la vallée du Jourdain, sans Jérusalem, coupés les uns des autres et en l’absence d’une souveraineté palestinienne, alors leurs amours vont s’améliorer – parce qu’ils pourraient améliorer très légèrement leur situation économique. Ceci est la conception de l’Amérique de Trump quant à un « accord final. »
Mais étant donné la composition de l’équipe de la Maison Blanche, nous aurions difficilement pu espérer quelque chose d’autre.
L’interview inhabituelle de Kushner au journal Al Quds à la rédaction installée à Jérusalem a été très arrogante. Il parle comme s’il connaissait toute chose à propos de la réalité à laquelle les Palestiniens font face, mais il a prouvé n’en connaître que très peu.
Ses tentatives de « division et de conquête » des Palestiniens, y compris le ciblage systématique du Président Mahmoud Abbas, ne réussiront pas, pour une raison très simple : s’il y a quelque chose sur laquelle s’accordent la grande majorité des Palestiniens, ce sont les points essentiels que l’Administration Trump n’a pas même mentionnés : mettre fin à l’occupation israélienne, instaurer une Palestine indépendante avec Jérusalem-Est comme capitale et respecter les droits du peuple palestinien en conformité avec le droit international et les résolutions de l’ONU.
L’interview de Kushner n’a rien présenté de nouveau de la part de la Maison Blanche de Trump : un blâme à l’encontre d’une direction palestinienne qui a déja reconnu Israël et qui accepte la solution à deux états dans les frontières de 1967.
Il n’a émis aucun propos critique envers un gouvernement israélien qui continue à violer ses obligations dans le cadre du droit international ; aucun soutien à un état palestinien, et une absence totale de maîtres mots tels qu’occupation et colonies.
Tout ceci va dans le sens de l’idée générale de la dévalorisation de la cause de l’autodétermination de la nation palestinienne réduite à un problème humanitaire, en troquant les droits humains avec un simple ensemble de mesures économiques.
Ceux choisis par Donald Trump pour « apporter l’accord du siècle » sont les représentants appropriés d’un président qui a fait preuve d’un mépris flagrant des lois et des institutions internationales.
Tout comme ils ont utilisé la Bible pour justifier la séparation inhumaine des enfants immigrés d’avec leurs parents, ils ont utilisé la religion pour justifier leur reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël.
Il n’y a pas de place pour la discussion dans le cadre de ces normes abaissées : leur ignorance générale des relations internationales est manifestement liée à leurs tentatives d’essayer de normaliser l’occupation israélienne et les violations systématiques des droits des Palestiniens.
Ils ne représentent pas les valeurs défendues par la majorité de la communauté juive américaine, qui refuse d’accepter que soit instauré un régime d’apartheid - prétendument en leur nom.
Les Américains ont mené en bateau la communauté internationale. Nous entendons parfois les diplomates européens à Tel Aviv dire, qu’au lieu de « s’opposer au projet de Trump », les Palestiniens doivent « travailler à l’améliorer. »
Mais ceci est une façon très cynique d’exprimer leur manque de courage à prendre des mesures audacieuses pour sauver la solution à deux états. Tous les médiateurs de paix chevronnés, de la Norvège à la Suisse, de l’Allemagne à la France, tous comprennent que ne pourrait survivre aucun accord de paix qui accorderait l’impunité, qui normaliserait les crimes et qui imposerait une solution qui contredise le droit international.
La question est de savoir si l’Europe, et le reste de la communauté internationale, sont disposés à continuer à envisager la formule naissante de Trump d’accepter l’apartheid en échange d’incitations économiques - ou si elles agiront pour la récuser.
Si l’Europe continue à nourrir le fantasme du « partage de valeurs » avec Israël, en donnant le feu vert à l’Equipe Trump de faire ce qu’elle veut du peuple palestinien, est-elle décidée à faire face aux conséquences catastrophiques des politiques de l’administration Trump en Israël et en Palestine ?
L’image de cinq personnages engagés en faveur de l’occupation - Netanyahu, Kushner, Greenblatt, Dermer et Friedman - parlant prétendument d’« efforts de paix », symbolise la véritable orientation idéologique du soi-disant « accord du siècle ».
Je doute personnellement qu’il y ait un quelconque plan concret émanant des Américains. Au contraire, je vois la mise en oeuvre sur le terrain des convictions idéologiques de de ces « équipes de paix », commençant par retirer Jérusalem et les réfugiés de la table, et destinée à normaliser un régime d’apartheid dans toute la Palestine.
Le Dr. Ahmad Tibi est le Vice-Président de la Knesset. Il représente la Liste Unifiée.
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT de l’AFPS sur les prisonniers